Sur les pentes des Himalaya...

A tâtons, en montant... "Aumône d'un regard" - Aperçu, au loin... "Illusion ?" - Vers les sommets... "Aux portes du Zanskar ..." - C'est bien là... Jetsün Milarepa "I - Le rêve" - "II - La solitude" - Visions tantriques... "Dis à ton frère en Christ" - "Bonnets jaunes et bonnets rouges" - "Contradiction" - "Des vertus et des vices" - Retour sur terre... "Le chandail dérobé" - Mais l'âme y demeure t'elle ? "Fantasme ?" "Taj Mahal" - Epilogue "Remerciements ..."

"Aumone d'un regard "Illusion ?" Aux portes du Zanskar Jetsün HabumMilarepa (La vision et Méditation dans lasolitude) "Dis à ton frère en Christ "Bonnets janunes et bonnets rouges" "Contradiction" "Les vertus et le vices" "Le chandail dérobé" "Fantasme ?" "Taj Mahal" "Remerciements" "Le moment" "l'Absent" "La Sérénité" "Nomades" "Portraits de passage - Shana" "Portraits de passage - Stéphane" "Portraits de passage - Tatopani" "Temple du Lotus"

A tâtons, en montant...

Aumône d'un regard !

*****

Quand la pluie étalant ses immenses traînées,
D'une vaste prison imite les barreaux...

Baudelaire, Spleen

*****

Aumône d'un regard,
Aumône en un jour noir,
Aumône du pouvoir,
Du devoir, mais si tard !

Une femme tendait
La main et son enfant...
Qui donnait ? Regardait ?
Pleurait ? Faisait semblant ?

Ce regard est-il sien ?
Son regard est-il Tien ?
N'est-il rien ? Est-il lien,
Entre le Tien, le mien ?

Il pleure en moi, enfin,
Il souffre en moi, enfin,
Il cherche en moi, enfin,
Il ouvre en moi, enfin,

Ce regard de douleur,
De combat et de peur,
De vide et de ferveur,
De Foi et de grandeur,

Un jour plus sombre encore,
Un jour plus froid encore,
Un jour plus vide encore,
Un jour plus seul, encore...

C'est le Tien, il me glace,
Il m'attire, il me chasse,
Loin de Toi, de Ta Grâce,
Près de Toi, il m'efface !

Delhi, 3 août 2003, rev. 030914

*****

Aperçu, au loin...

Illusion ?

"A Binod, un frère,
Qui nous enseigna
Les profonds mystères
Des Himalayas !"

*****

Souvent, sur la montagne ..
(Alphonse de Lamartine, le Lac)

*****

Entouré de drapeaux, flottant, priant, rêvant...
(Photo DV) Col du Rothang (3978 m)

... Au loin les chaînes
Des pics himalayens...(Photo DV)

Un jour sur le Rothang, à l'ombre d'un shorten,
Entouré de drapeaux, flottant, priant, rêvant...
J'élevais, incertain, mon regard sur les chaînes
Des pics himalayens, en écoutant le vent.

En bas, grondait du corps, l'impermanente ronde,
Serpentant, s'enfonçant en un réel obscur...
Là, le coeur apaisé puisait en l'eau profonde,
Et la Pensée du soir s'élevait dans l'Azur.

Dans cette illusion, mon âme transparente
Eprouvait consciemment la douleur et l'espoir,
Je marchais sur la Terre, en la Pensée vivante, (*)
Aimant, priant, rêvant, mais sans jamais savoir !

(Rothang La, 6 août 2003)

*****

(*) Zoroastre (660 BC),"La Foi, ou la Bonne Pensée" dans l'Avesta

Vers les sommets...

Aux portes du Zanskar
(En montant le Shingo La*, 5095 m)

*****

(Photo DV)

Aux portes du paradis
Yudishthira marchait, suivi d'un chien
Qu'il ne connaissait pas !

(Mahabharata, Livre XVIII)

Attache tes regards, aussi, sur la poussière,
Dont la vague blancheur dessine ton chemin... !

(Jules Vinard, le Sentier, "Par les Sommets, vers l'Au-delà, @Fischbacher, 1912)

*****

Il marchait près de moi,
Etait-il ombre ou rêve ?
Attache, erreur ou sève,
Pensée, Lumière ou choix ?

Il marchait devant moi
Quand j'écoutais sa voix,
Mais il n'était plus là
Quand j'écartais mes pas

De la Voie, de la trace,
Qu'il montrait dans l'espace,
Effaçant à ma place,
La colère et la glace.

Il était permanence,
Indifférence, absence,
Errance en mon esprit,
Mais cohérence et danse
Et présence en ma Vie !

*****

Un jour, Yudishthira (*),
Dans ces contrées, peut-être,
Survivant du combat
Qui détruisait les êtres,

Marchait, suivi d'un chien,
Qui ne le quittait pas :
Il recherchait les siens
Partis dans l'Au-delà.

A la porte du ciel,
Un dieu lui demanda,
S'il était essentiel
De garder ce chien là !

Bien sûr, il insista
Et retrouva ses frères
Car ce chien, sur ses pas,
Etait Indra (*), son père !

*****

Aux portes du Zanskar
Il était toujours là,
Il marchait à l'écart
Et je cherchais ses pas !

(Shingo La, 10 août 2003)

*****

(*) Indra, expression du Dharma et de la Pensée, ... entre autres. Père de Yudhisthira (frère aîné des Pandava). Se dit "La" (col, passage) en symbolique tantrique

(Photo Florence Valentin)

C'est bien là !...

Jetsün-Kabum Milarepa

Trancriptions versifiées(*) d'après la traductions du tibétain du Lama Kazi Dawa-Samdup et le texte français en prose de Roland Ryser aux éditions Maisonneuve)

Le rêve de Milarepa (pages 192 et 193)

Dans les vastes régions du continent nord,
Je rêvai qu'il y avait là une immense montagne,
Dont le sommet atteignait le ciel.
Autour de cette cime, se mouvait le soleil et la lune,
Leurs rayons illuminaient les cieux au-dessus.
La base de la montagne couvrait la terre ;
De quatre côtés coulaient quatre fleuves intarissables,
Calmant la soif de tous les êtres.
Leurs eaux s'écoulaient dans un profond océan,
Et sur les rives s'épanouissaient des fleurs.
Telle est la figuration de mon rêve
Que je raconte à mon Guru, l'éternel Bouddha'.

A l'est de cette glorieuse montagne,
Se dressait un haut pilier,
Sur le sommet de la colonne, un lion rampait ;
Sa crinière était luxuriante,
Ses quatre pattes, griffes étalées, labouraient le flanc de la [montagne,
Ses yeux levés regardaient les cieux.
Le lion errait libre à travers les monts.
A mon Guru, l'éternel Bouddha, je raconte ce rêve.

Au sud [de la montagne] s'élevait un haut pilier
Sur le sommet rugissait une puissante tigresse
Les raies de la tigresse étaient superbes,
celles du milieu étaient triples et bien marquées,
Ses quatre pattes marquaient profondément la jungle
Ses Yeux levés regardaient les cieux.
La tigresse errait libre à travers Ia jungle
Et passait à travers forêts et plaines.
A mon Guru, l'éternel Bouddha je raconte ce réve

I - La vision

*****

Dans les régions du Nord, où l'immensité règne,
Je rêvais qu'il était une vaste montagne
Dont le sommet neigeux, montait, touchait le ciel.
Tout autour de la cime, tournaient lune et soleil
Dont les puissants rayons illuminaient les cieux.
La base de ce mont couvrait ainsi les lieux
D'où, sur quatre côtés, coulaient intarissables
Quatre fleuves étanchant la soif de nos semblables.
Leurs eaux se déversaient dans la mer éblouie
Arrosant sur leurs rives les fleurs épanouies...
Tel figurait son rêve, Jetsün Milarepa
A son guru sur terre, à l'éternel Bouddha !

Dressé à l'Orient, puissant et glorieux,
Un pilier s'élevait : D'où un lion rampant,
Quatre pattes étalées, en labouraient les flancs
Ses yeux étaient levés et regardaient les cieux
Car le lion était libre et traversait les monts
Tel racontait son rêve, Jetsün Milarepa
A son guru mortel, à l'éternel Bouddha !

Rugissante au sommet d'un pic méridional,
Une tigresse errait, superbe et sans rivale
Ses raies étaient marquées, triples et noir d'ébène,
Et de ses quatre pattes, enfoncées dans la jungle,
Labourait puissamment les forêts et les plaines.
Tel figurait son rêve, Jetsün Milarepa
A son guru sur terre, à l'éternel Bouddha !

A ]'ouest [de la montagne], s'élevait un haut pilier
Sur son sommet, un aigle prenait son essor ;
Les ailes de l'aigle étaient largement étalées
Et ses serres perçaient l'espace,
Ses yeux regardaient fixement lu cieux ;
Puis il s'envola haut dans l'azur.
A mon Guru, l'éternel Bouddha, je raconte mon rêve

Jetsün-Kabum Milarepa

Bronze et cuivre en provenance du
"Lhasa Art Palace" de Leh (Ladakh)

(Photo DV)

Au nord [de la montagne], se trouvait aussi un haut pilier
Au-dessus plânait un vautour audacieux ;
Les ailes du rapace s'étalaient largement,
Son nid se trouvait haut perché sur un roc,
Je vis qu'il abritait un petit couvert de plumes,
Et que les cieux étaient remplis de plus petits oiseaux
Le vautour tournait ses yeux vers les cieux,
Puis il s'envola vers les hautes régions.
A mon Guru, l'éternel Bouddha, je raconte mon réve.

*****

Sur un autre pilier, dressé à l'Occident,
Un aigle en son essor, serrait, perçait l'espace.
Les yeux fixés au ciel, étalant largement
Les ailes, il s'éleva, haut dans l'Azur, qu'il enlace.
Tel racontait son rêve, Jetsün Milarepa
A son guru mortel, à l'éternel Bouddha !

Et au Septentrion, planait audacieux,
Un vautour au-dessus d'un roc majestueux.
Ses ailes de rapace étalées largement,
Je vis qu'il abritait, dans les escarpements,
Un petit dans son nid, couvert de plumes. En haut
Les cieux étaient remplis de plus petits oiseaux.
Alors tournant les yeux, vers eux, il s'éleva
Vers les hautes régions du rêve et du Bouddha
Tel figurait son rêve, Jetsün Milarepa
A son guru sur terre, à l'éternel Bouddha !

(En avion, entre Paris et Delhi, 2 août 2003)

*****

(*) L'auteur a cru devoir, ici, dans ce poème et le suivant, exprimer le son, la résonance interne et le rythme qu'il perçoit dans ces évocations, tout en restant farouchement attaché aux termes littéraux sur lesquels insistent les traductions (p. 192-193) et à l'interprétation donnée à Milarepa par son guru (p. 195 à 197 éditées aux éditions Maisonneuve). A défaut de connaître le Tibétain, voici ce qu'il entend...

*****

II - Méditation dans la solitude

*****

Traduction française
de Roland Ryser aux éditions Adrien Maisonneuve

(pages 252; et 253)

Ma joie ignorée de mes parents,Ma douleur ignorée de mes ennemis
Si je meurs ainsi parmi cette solitude,
Heureux, serais-je, moi le mystique.

Ma mort ignorée de tout être humain,
Mon corps pourri ignoré des oiseaux
Si je meurs ainsi, parmi cette solitude,
Heureux serais-je, moi le mystique.

Ma chair putréfiée sucée par les mouches,
Mes muscles dissous mangé par les vers,
Si je meurs ainsi, parmi cette solitude,
Heureux serais-je, moi le mystique.

Sans aucune empreinte d'homme devant ma porte,
Sans trace de sang dans la Caverne
Si je meurs ainsi, parmi cette solitude..
Heureux serais-je, moi le mystique.

Sans personne pour s'assembler autour de mon corps,
Sans personne pour pleurer ma mort -
Si je meurs ainsi, parmi cette solitude,
Heureux serais-je, moi le mystique.

Sans personne pour demander où je suis allé,
Et sans endroit que quelqu'un pourrait désigner
Si je meurs ainsi, parmi cette solitude,
Heureux serais-je, moi le mystique.

Que cette prière, sur la manière de ma mort
Parmi cette solitude déserte,
Porte ses fruits et soit exaucée comme je le désire,
Pour le bien de tous les êtres,
Alors je mourrai satisfait, moi le mystique".

Ma joie est ignorée et j'ai fui mes parents
Ma douleur est voilée, même aux yeux des méchants,
Et si je meurs ainsi dans cette plénitude,
Heureux serais-je, moi, mystique et solitude !

Ma mort est oubliée, je ne suis qu'un roseau,
Et mon corps est pourri, ignoré des oiseaux.
Et si je meurs ainsi dans cette plénitude,
Heureux serais-je, enfin, mystique et solitude !

Ma chair est putréfiée et sucée par les mouches,
Mes muscles sont dissous et rongés sur ma couche
Et si je meurs ainsi dans cette plénitude,
Heureux serais-je, moi, mystique et solitude !

Aucune empreinte d'homme, à ma porte, ou de cairn,
Ni de trace de sang ne marque ma Caverne.
Et si je meurs ainsi dans cette plénitude,
Heureux serais-je, enfin, mystique et solitude !

Nul ne viendra jamais pour apprêter mon corps,
Nul ne viendra jamais, veiller, pleurer ma mort.
Et si je meurs ainsi dans cette plénitude,
Heureux serais-je, moi, mystique et solitude !

Nul ne demandera où je m'en suis allé,
Nul ne pourra marquer l'endroit où je vivais.
Et si je meurs ainsi dans cette plénitude,
Heureux serais-je, enfin, mystique et solitude !

Et que cette prière, illuminant ma mort,
Dans ce désert aride et cette plénitude
Porte ses fruits et soit exaucée, je l'implore !
Car heureux je mourrai, mystique et solitude.

(En avion, entre Paris et Delhi, 2 août 2003)

Visions tantriques...

I - Dis à ton frère en Christ
(en écoutant les psalmodies des moine de Lamayuru)

*****

Dis à ton frère en Christ
Que la Beauté sur Terre,
Que la Durée, n'existe
Qu'en la Foi, l'éphémère !

Dis à ton frère en Christ
Que la Vie sur la Terre,
Que la Pensée n'existe
Qu'en la Foi, la prière !

Dis à ton frère en Christ
Que la peur, que la haine,
En lui, jamais n'existe
Qu'en son esprit qu'enchaîne

L'envie, la possession,
Du vide : Illusion,
Matière et inventions
Sans rime et sans raison !

Dis à ton frère en Christ
Que l'Amour préexiste.
De tout Temps, il insiste,
En lui, à l'improviste !

(Monastère de Lamayuru, Ladakh, 18 août 2003)

*****

II - Bonnets jaunes et bonnets rouges...
(Contine très impertinente
mais avec l'assentiment tacite
des grands Bouddha
dorés et peinturlurés)

*****

Bonnets jaunes et bonnets rouges :
C'est l'Himalaya qui bouge !
Bonnets blancs et blancs bonnets,
Mais fais donc ce qu'il te plaît !

Bonnets jaunes et bonnets rouges :
Illusion, rien ne bouge !
Bonnets blancs et blancs bonnets,
Et pourtant la Vie renaît !

(Monastère de Stoch, Ladakh, 19 août 2003)

*****

III - Contradiction

*****

Dieu est Un, l'homme est un tout :
Il s'incarne ou Il s'écarte,
Il m'anime ou me rend fou,
L'un et l'autre.. mais qu'importe !

Dieu est Un, l'homme est un rêve,
Il est contradiction.
En haut, il pense, il s'élève...
En bas... crucifixion

En un corps imaginaire
De statues et de matière
Qu'il invente et qu'il adore.
Et pourtant... Il rêve encore !

(Monastères de Spituk et Hemis, Ladakh, 20 août 2003, rev. 030914)

*****

IV - Les vertus et les vices

(roue de la vie à Thickse)

*****

Pouvoir, oppression et richesse,
Désir, égoïsme, ignorance,
Sont-elles causes ou conséquences
Ou source en mon coeur de tristesse ?

Si Bouddha revenait, à lui,
Souffrirait-il, ouvrirait-il,
Ces monastères enfouis
Sous les ors et les portraits futiles ?

Mais s'il revenait, sans doute,
Aimerait-il ce moine obscur,
Souriant, priant, à l'écoute,
De la souffrance en un coeur pur !

(Monastères de Thickse et Hemis, Ladakh, 20 août 2003)

*****

Retour sur terre...

Le chandail dérobé

*****

Etait-il là, en laine
Cachemire, angora ?
Etait-il en la peine
D'un Laddhaki, là bas ?
Etait-il en la chaîne
Entre sa croix et moi ?

Mais il n'était plus là
Sur la commode en bois
Où je l'avais posé
Sûrement ce matin !
Quelqu'un avait osé
Commettre ce larcin !

Etait-ce Garuda (*) ?
Ou bien Milarepa,
Me rappelant par là,
Que nul ne peux, sur terre
Partir en l'Au-delà,
S'il ne pense à son frère

Crucifié, sans voix,
Qu'un hasard a mis là...
... Réparant, restaurant
En mon coeur ignorant,
La Beauté du Dharma !

(Hôtel à Leh, Ladakh, 21 août 2003)

*****

Paysan à Kargyat

(Photo Florence Valentin)

Mais l'âme y demeure-t'elle ?

Fantasme ?

*****

... C'est l'essaim des Djinns qui passe
Et tourbillonne en sifflant...
... De leurs ailes lointaines
Le battement décroît...

(Victor Hugo, "Les Djinns", Orientales)

*****

Fantasme dans le ciel :
Etrange sentinelle
Arrachée au Réel,
Dans les coeurs, les ruelles

De l'Incertain qui rêve
Au souffle qui l'entraîne
Bien loin, bien loin, sans trêve,
Dans l'espoir, dans l'arêne

Des passions lointaines.
Il entrevoit alors
Le fantasme, ou la mort,
Qui va briser sa chaîne

Et concentrer son être
Vers l'Absolu : Atteindre
A l'Impossible ! Etreindre !
Ou bien, seul, disparaître !

(En bavardant, dans l'autocar, entre Delhi et Agra, 21 août 2003)

*****

Taj Mahal
(... Essence de l'absence qu'il encense...)

*****

Taj Mahal
Ou Graal,
Idéal
Ou focale

De l'Esprit
Qui poursuit
Dans la nuit
L'infini...

Il effleure
En ses pleurs
Il efface
En l'espace,

Il approche
En ses proches,
Le lointain
Qu'il étreint

Dans le vide
Et les rides,
En l'essence
De l'absence
Qu'il encense !

(Taj Mahal, Agra, 21 août 2003)

*****

Taj Mahal

(Photo DV)

(*) Vishnou

Epilogue...

Remerciements !

*****

A mes vaillants compagnons : A Bhinod,
aux deux Corinne, Céline, Odile, Laurent, Martine et André,
Marie et Françis, Liliane et Dominique, Annick et Jean-Yves, et Florence.

Alias ... Krishna,
Rhadaï, Draupadi, Devaki, Ganga, Amba, Hidimba, Kunti, Madri et Sarasvati,
Bishma, Yudishthira, Bhîmasena, Arjuna et Nakula ...

(Leur serviteur, Jetsün-Kabum Milarepa)

*****

Ils étaient valeureux,
Krishna (*) les conduisait.
Dans le rêve ils puisaient
Le besoin d'être heureux !

Fuyant les certitudes,
Les regrets, l'habitude,
Car en eux l'altitude
Ouvrait la plénitude !

Partis de New Delhi,
Passant par Manali,
Ils montèrent au Rothang
Sur leurs chevaux mustang.

Au loin fuyaient les chaines
Des pics himalayens
Dont la vision enchaîne
Le regard incertain.

Alors ils dévalèrent
Dans le vent, la poussière,
Pentes et flancs ingrats
Des rives du Changra.

Après Koksar, Ganda,
Remontant le Bhaga
A Darsha arrivèrent
Aux pied des cieux : Leur Terre !

Vers les dieux, la Lumière,
Leurs regards éblouis
Volaient, cherchant leur frères,
Le long du Baraï !

A Jankar ils entrèrent
Dans l'Azur, la prière,
Ils montaient au delà
Du rêve, au Shingo La !

Les portes du Zanskar,
Alors, s'ouvraient en eux,
Dans l'air devenu rare
Ils embrasaient les cieux !

Leur coeur était nomade,
Leur âme était immense !
De cascade en cascade,
Ils plongeaient dans l'errance,

Tout en bas, dans la plaine,
Dans la Vie qui bourgeonne
Dans les eaux, dans l'haleine
Du mont Gamburanjon.

Souvenir des glaciers, des vents, des avalanches,
Le Kargyat naissant coulait en nappes blanches,
Irriguant Raïta dont la ferveur étanche
Les jardins, vergers, qui sur ses flots s'épanchent.

A Phuktal, à Barden, hors du temps, ils prièrent
Avant que d'affronter, le réel, l'éphémère
Dans les gorges sévères du Tsarap à Nyuru
D'où la Pensée s'arrache, en vagues, à son courroux !

Et tandis qu'ils priaient dans la clarté suprême,
Le Tsarap bondissait sur les blocs ardoisés,
Ils virent sur les flots leurs ombres entrecroisées (#)
Projetées à jamais vers les contrées extrèmes.

C'est alors que sur eux, fondit la caravanne,
Des yacks, des Gandarva (**), des mulets et des ânes.
Dans cet instant critique, un Vayou (**) ombrageux,
Entraîna dans sa course un guerrier valeureux.

Mais Arjuna veillait, et décochant ses flèches,
Arrêta sur le champ le Gandarva revêche !
Ils terminèrent ainsi, OM mani padme HUM ! (#)(****)
Leur périple effréné de Darsha à Padum !

(DV, Traversée du Zanskar du 7 au 16 août 2003)

*****

(*) Incarnation de Vishnou, luttant aux côtés des Pandavas dans le Mahabharata.
(**) Mi dieux, mi bêtes
(***) Pandava, fils d'Indra, l'archer merveilleux.
(****) Le Bonheur est dans le Lotus (coeur de la vision tantrique)
(#) Contibutions de Dominique (alias Bhîshma !)

Illustration
(à venir)

Sur les pentes des Himalayas

Le Moment

*****

Chaktsang La (5200 m)

*****

Isolé, hors du temps,
C'est l'Instant que j'entends
Sourdement dans l'Etant :
C'est l'Absent que j'attends.

Il est source et s'écoule
Sobrement dans le moule
Du passé qui déroule,
Le moment dans la foule

Egarée qui s'amasse
Dans les temples et chasse
Le présent qui s'efface
Dans le moment qui passe.

Statues, religions,
Ors et possessions :
Ouvrez-vous la Pensée,
Le moment, l'insensé ?

Temples de Spituk et de Phyang, Ladakh, Inde
4 août 2004

*****

Sur les pentes des Himalayas

L'Absent

*****

Entre le Kyamayuri La et le Gyama Sumgo La, au Rupshu

*****

Dans la nuit, dans le rêve, il est là, il attend.
Dans le jour indolent, il s'éloigne, un moment.
Dans l'instant, insolent, il revient, violent.
Dans l'espoir imprudent, il prend place en pleurant.

Il est source et néant, il est vide et tourment,
Il est fleur et bourgeon, il est suc et ferment,
Il est désert et vent, il est roc et torrent,
Expulsant le présent, car il est hors du temps !

Leh, Ladakh, Inde, 22 août 2004

*****

Sur les pentes des Himalayas

La Sérénité

*****

Les vallées de la Marka

*****

Près de Leh, isolée
Sur le flanc de vallées
Des années écoulées,
Elle était exilée
Dans les bras désolés
Des pensées envolées.

Elle avait fui les hommes
Qui voulaient que l'on nomme
Le Temps, l'avenir, comme
Une entité, en somme !

Ils croyaient que la Terre,
L'infini le mystère,
Avaient besoin de nerfs,
De cris, de savoir-faire !

Ils craignaient d'irriter
L'Obscur : Divinité
Qu'ils avaient invitée
A bénir leurs cités.

Las, ils avaient quitté
L'Air Pur, réalité
De toujours, habitée
Par la Sérénité !

Mathoo et Stakna, Changtang et Lalung La, Ladakh, Inde
5 au 8 août 2004

*****

Sur les pentes des Himalayas

Nomade

(Aux nomades du Changtang et du Rupshu, à leur accueil si chaleureux… !)

*****

(*) "En des temps dont nous seuls conservons la mémoire,
(L'être créé) Planait dans la spendeur sur des ailes de gloire ;
Victor Hugo, "Ce que dit la bouche d'ombre", Contemplations, Jersey, 1855.

*****

En des temps dont, parfois, nous gardons la mémoire,
L'Être créé vibrait de chaleur et d'espoir :
Son corps était taillé dans l'onyx et le jade
Son cœur était brûlant, son âme était nomade !

Sur les massifs neigeux, que l'envie escalade,
Dans les torrents glacés, de cascade en cascade,
Le rêve se forgeait, puissant, consolateur,
Rendant au Créateur, son Être et sa grandeur !

Mais un jour, dans l'Eden, l'hyménée s'arrêta.
Dans l'ombre du créé, un démon emprunta
La forme et l'apparence, insensées, qu'il nomma :
Matière ! l'Obscur, ainsi produit, germa.

Le rêve était chassé, sans objet, sédentaire :
Il était, désormais, étranger sur la Terre.
Par moment, cependant, nous rêvons au mystère
De ce peuple nomade, exclu mais solidaire

Dont le regard perçant, profond, visionnaire,
Nous semble préserver un rayon, un éclair
De la Pensée vivante, issue du Créateur,
Qui nous dit que le rêve est nomade en nos cœurs !

Lalung, Rajung Karu et Spangchen : Changtang, Rupshu, Ladakh, Inde
10 au 19 août 2004

*****

Rajung Karu (4840 m)

Lalung (4847 m)

 

 

Tsogra (4440 m)

 

*****

"Spangchen"

*****

Sur les pentes des Himalayas

Portraits de passage

(Aux êtres nomades, de nos jours et de toujours…)

*****

Shana

*****

Impromptues, improvisées,
Nos routes se sont croisées
A Spangchen, Kargyatze,
Lungmochey… Elle puisait

L'envie, le rêve, on ne sait !
Sur les chemins insensés
De la passion tracée
Par l'espace en la Pensée.

De sa Finlande natale
Aux infinis du mental,
Chorégraphe et bacchanale :
C'était la Vie en cavale !

Korzoc, Tsomoriri, Rupshu, Ladakh, Inde
20 août 2004, v2

*****

Stéphane

*****

Yeux malicieux, lunettes fines,
il apparut, son sac sur le dos
(vingt cing kilos !) et sa bonne mine :
Ça suffisait, avec un peu d'eau !

Pendant trois mois, courant le Laddakh,
Allant, venant, sur les pas des yaks,
Il nous conta, sur les bords d'un lac,
A quinze mil pieds, sa vie en vrac :

Il lui fallut trois années complètes,
De Genève en Chine, à bicyclette,
Mais aussi, avoua en cachette,
Qu'il rêvait de fromage à raclette !

Nuruchan, Rupshu, Laddakh, Inde
19 août 2004

*****

Tatopani

*****

Tantôt Tatopani, (*)
Tantôt catimini,
Elle aimait le soleil
Des phosphores (**) en éveil.

De sommets en sommets,
Son esprit s'envolait,
Sans lien, sans retenue,
Vers la cime inconnue

D'où l'âme à tire d'aile
S'en va et, pêle-mêle,
Chante et danse avec elle,
Au-delà du Réel !

Crête de Couspeau, Baronnies,
12 juillet 2005

*****

(*) Source chaude en Népalais
(**)"J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs"
(Arthur Rimbaud, Le bateau ivre)

Lys Mortagon
(Photo Marie-Françoise Desnous et Jean-François Deshayes)

Sur les pentes des Himalayas !

Temple du Lotus
(En méditant dans le temple Baha'i de New Delhi)

*****

Enceinte vide et source,
Infini courbe, audace,
Impermanence et course
Intemporelle, espace…

Attente et passion,
Entente et mission,
Souffrance, affliction,
Terre, implication,

Sont là, et bien présents,
Pour invoquer l'Absent
Des temples impuissants,
Des cœurs évanescents…

Exception ? Assise
De la Sion promise ?
Effaçant les sottises
Des religions admises ?

Delhi, 24 août 2004, v2

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Le Temple du Lotus à New-Delhi (Inde)

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Méditations et Poésies

"Traversée du Zanskar"

"Traversée du Changtang et du Rupshu"

Coordonnées GPS de la traversée du Zanskar,du Changtang et du Rupshu au Ladakh"

Maj. 07-08-26